LE QUOTIDIEN D'ORAN: Pourquoi Mami a-t-il décidé enfin de rompre le silence ?
MAMI: Parce que je commence à faire l'objet d'un acharnement médiatique hystérique qui va en grandissant.
Les journaux et les médias français font de mon affaire de droit commun, une affaire d'Etat. Il y a une volonté manifeste de nuire à mon image en salissant ma personne.
Non pas parce que je suis une star, mais parce que je suis une star arabe. Et là est toute la différence. Presque chaque jour, je me retrouve à la Une d'un journal ou d'un magazine français: je vois ou on m'apprend qu'on a parlé de moi aux infos de telle ou telle chaîne ou dans une émission spéciale.
Et on parle de moi comme d'un trafiquant international de drogue, comme d'un tueur en série en fuite. C'est un acharnement quasi orchestré des médias français et européens contre Cheb Mami. Plus exactement, contre un nom célèbre arabe. Partout dans le monde, il y a un principe sacro-saint du secret de l'instruction.
Et aujourd'hui, je suis étonné de voir qu'en France, l'Etat du droit et de la liberté, mon affaire est étalée sur tous les médias. L'instruction, le débat ont franchi les murs du tribunal pour aller dans la rue. Et les faits relayés par la presse sont pour beaucoup de l'intox. Il y a une volonté on ne peut plus claire de nuire à ma personne. C'est pourquoi j'ai décidé de réagir pour rétablir un tant soit peu la vérité.
"Il n'y a jamais eu un mandat d'arrêt international contre moi."
LE QUOTIDIEN D'ORAN: Vous êtes sous le coup d'un mandat d'arrêt international émis par le tribunal de Bobigny, près de Paris, le 14 mai dernier, pour non-présentation à une convocation de justice dans le cadre de l'instruction sur les faits qui vous sont reprochés. Pour quels motifs vous ne vous êtes pas présenté devant la juge d'instruction ?
MAMI: Ce n'est pas vrai, il n'y a jamais eu un mandat d'arrêt international contre moi. Dans l'après-midi du 14 mai, le jour de mon audition par la juge d'instruction près le tribunal de Bobigny, celle-ci n'a pas eu lieu car tout simplement la convocation en question ne m'a pas été notifiée.
Mon manager, Michel Lévy, a animé un point de presse en France pour annoncer qu'un mandat d'arrêt international a été lancé contre Cheb Mami qui ne s'était pas présenté devant la juge d'instruction.
C'est incroyable ! C'est incroyable, la vitesse avec laquelle la justice française a émis ce mandat d'arrêt international contre moi. Alors, l'accusé de droit commun ne se présente pas le matin, l'après-midi un mandat d'arrêt international est lancé contre lui et diffusé dans les quatre coins de la planète.
Les médias et les organes de presse qui ont diffusé l'information, plutôt le scoop, et ceux qui l'ont relayés ensuite, ont eu pour seule source d'information le manager de l'accusé, qui est lui-même co-accusé dans la même affaire. Et tous, ils ont cité « une source proche du dossier ».
Autre information erronée et malintentionnée rapportée par la presse française, mon placement sous contrôle judiciaire. J'ai été, en février dernier, remis en liberté provisoire après 3 mois et demi d'incarcération, et ce après avoir versé une caution.
Je dis bien liberté provisoire et non contrôle judiciaire. Car je n'étais pas astreint à me présenter régulièrement devant la justice. Dans mon esprit, je croyais que l'instruction avait été bouclée au terme de 3 mois et demi d'incarcération au quartier VIP de la prison de la Santé à Paris, période tout au long de laquelle j'étais régulièrement auditionné par le magistrat instructeur avec une série de procédures et de confrontations.
Donc, quand j'ai été relâché, je croyais que toutes les procédures d'instruction étaient closes et, du coup, j'attendais la date du renvoi de l'affaire et j'étais disposé à me présenter devant le tribunal pour être jugé le jour J. Mais il fallait entre-temps que je rentre au pays pour voir ma vielle mère, 87 ans, qui était grièvement malade et déprimée.
Il fallait à tout prix que je la voie car j'avais très peur qu'il ne lui arrive quelque chose à cause de moi, ou pire qu'elle décède sans que je la voie. Si par malheur une telle chose était survenue, je ne me pardonnerais jamais.
J'aurais ça sur la conscience jusqu'à la mort. Alors, je suis revenu au pays en passant par Alicante avec l'intention de retourner en France le jour du jugement... Quelques jours plus tard, j'apprends avec stupéfaction que j'étais un fugitif activement recherché par les autorités françaises... Je n'ai pas fui la justice, j'ai fui l'injustice.
J'ai fui la justice à deux vitesses, celle qui décerne facilement et hâtivement un mandat de dépôt contre un présumé accusé arabe et le condamne à la prison ferme, comme ça été le cas de Sami Nassiri, mais qui, en parallèle, laisse en liberté provisoire l'accusé s'il est Français et ne condamne qu'à la prison avec sursis quelqu'un qui a violé une fille de 14 ans.
LE QUOTIDIEN D'ORAN: Vous êtes poursuivi pour «violence volontaire, séquestration et menace» sur une ex-compagne pour la tendre au retrait de plainte, mais vous avez toujours clamé votre innocence. Quelle est la vérité dans tout ça ?
MAMI: Mon erreur, peut-être la plus grosse erreur de ma vie, c'est d'avoir suivi le mauvais conseil de mon manager juif, Michel Lévy. C'est lui la cause de tous mes ennuis. Je ne nie pas avoir eu un rapport sexuel avec la plaignante (Isabelle Simon, une photographe de presse spécialisée dans le raï, française d'origine juive).
Cela s'est passé une fois lors d'une rencontre occasionnelle. Mais elle m'a trompé en ce sens qu'elle aurait volontairement omis de prendre les mesures contraceptives comme convenu.
Quelques mois après, elle a commencé à me faire sans cesse du chantage, me demandant de l'argent, sinon elle déposerait plainte. Déprimé, j'ai commis la plus grande bêtise de ma vie d'écouter le conseil de mon manager. Vous savez, quand on est déprimé, on devient une proie facile des mauvais conseilleurs.
Alors, il y a eu cette journée où dans une maison à Alger, en présence du manager et de deux médecins, il y a eu ce curetage. Ces deux médecins ont fait dernièrement l'objet de recherches pour arrestation par commission rogatoire mais sans réussite. Mais c'était heureusement un acte sans conséquence puisque, revenue en France, la jeune femme a constaté la viabilité du foetus et a décidé de garder l'enfant, une fille, qui serait aujourd'hui âgée de neuf mois.
Loin de renoncer, cette femme n'a pas lâché. Et dès son retour en France, elle a commencé de nouveau à me faire du chantage, me réclamant de l'argent contre son silence quant à l'histoire de la tentative d'avortement. J'ai alors enfin compris la finalité de son plan diabolique qu'elle a minutieusement exécuté de bout en bout: l'argent, et seulement l'argent.
Elle ne s'est pas contentée de me soutirer une somme de 15.000 euros, elle voulait plus, toujours plus. La presse française parle en fait du montant de 5.000 euros qui est porté sur un papier, une sorte de quitus de transaction que mon manager a fait signer à cette femme quand il lui a remis l'argent, document qui a été d'ailleurs remis à la justice française. Or, on ne parle jamais des 10.000 euros que cette femme m'a pris par le chantage à maintes reprises, et ce par le biais de mon manager.
Preuve que cette femme m'a tendu un piège, elle n'a déposé plainte qu'un an après les faits, soit en été 2006, auprès des autorité françaises, alors que le bon sens veut qu'elle dépose plainte le lendemain des faits ou au plus tard quelques jours ou semaines après devant le commissariat le plus proche à Alger... Depuis le dépôt de plainte et jusqu'à l'enquête judiciaire, la femme a toujours déclaré que je n'étais pas présent lors de la tentative d'avortement.
Je lui ai même proposé de se faire avorter avec son consentement et à mes frais dans une clinique, mais elle s'est rétractée sous prétexte que la clinique ne lui a pas plu. Ce n'est pas l'Arabe ni le présumé enfant de l'Arabe qui intéressait cette femme, mais l'argent de l'Arabe.
D'ailleurs, elle a eu un antécédent avec un chanteur de raï algérien ou son frère, presque les mêmes faits: une petite aventure, elle tombe enceinte, chantage: argent contre silence... et la victime est prise dans la toile d'araignée.
"Abdelaziz Bouteflika est l'ami de tous les Algériens"
LE QUOTIDIEN D'ORAN: Un bruit court ailleurs qui veut faire croire que si Cheb Mami a réussi du moins provisoirement à sortir de France, c'est parce qu'il a des appuis et dispose d'une protection et que c'est un proche de Bouteflika. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ?
MAMI: Abdelaziz Bouteflika est l'ami de tous les Algériens. Je ne suis pas son ami personnel, d'ailleurs on n'est pas du même âge (sourire de Mami). Il est vrai, c'est connu par tous, j'ai soutenu Bouteflika dans sa campagne et son programme, ce que je continuerai à faire toujours.
Ceux qui font cette analyse qui n'en est pas sont ceux-là mêmes qui veulent ternir l'image du grand chanteur algérien qu'est Cheb Mami. Ne se contentant pas de criminaliser outre mesure de simples faits délictueux qui encore sont fort contestés et non établis et pour de sombres desseins, veulent aussi politiser mon affaire... Qu'ils aboient jour et nuit ! Ils ne seront écoutés par personne.
"On me saluait en me disant « Kech album? ». Ils m'ont traité comme un vulgaire voyou."
LE QUOTIDIEN D'ORAN: Peut-on comprendre que Mami n'a pas ou n'a plus confiance en la justice française ?
MAMI: Oui, effectivement, je le dis franchement, sans détour ni contrainte: je n'ai plus confiance en la justice française.
Le 25 octobre 2006, lors de ma présentation devant la juge d'instruction près le tribunal de Bobigny, en présence de mes deux avocats, on n'a pas pris beaucoup de temps pour décerner un mandat d'arrêt contre moi en dépit du fait que je présente toutes les garanties de représentation.
Depuis plusieurs années, je fais un va-et-vient régulier entre l'Algérie et la France où je possède plusieurs biens, notamment à Paris. Mes conseils ont beau avoir mis en avant des garanties que je me tiendrais entièrement à la disposition de la justice française pour la suite de l'enquête, leurs arguments n'ont pas été tenus en compte et la juge m'a mis en taule.
La prison, c'est un souvenir très douloureux.
J'étais avec des détenus condamnés à de lourdes peines, qui pour crimes et viols, qui pour trafic de drogue, qui pour blanchiment d'argent... Et j'étais parmi eux, le môme... Je me souviens quand j'étais fraîchement détenu, un codétenu m'a dit qu'il était condamné pour 30 ans.
Alors, croyez-moi, j'ai prié Dieu que je sois condamné seulement à 10 ans ! C'est horrible ce que j'ai vécu dans cette prison, vous ne pouvez pas imaginer. Ils ont réussi leur coup, bravo ! Ils m'ont mis sous mandat de dépôt, du coup mes 30 ans de carrière sont foutus en l'air. Le jour de mon incarcération, mon dernier album Layali venait juste de sortir. A mon entrée en prison, j'étais sur toutes les langues, on me saluait en me disant « Kech album ? ». Ils m'ont traité comme un vulgaire voyou.
"Al-hamdoulah je suis dans mon pays."
Aujourd'hui, el-hamdoulah je suis dans mon pays. J'ai confiance en la justice de mon pays et je me tiendrais à son entière disposition si elle décidait de me juger. En plus du préjudice moral, un préjudice matériel énorme m'a été porté.
Par exemple, mon dernier album Layali que j'avais enregistré en Egypte a été retiré faute de promotion car j'étais en prison. Le jour même de mon emprisonnement, le 25 octobre 2006, j'avais un concert à Marseille et un autre quelques jours plus tard à Oslo. J'avais en outre plein d'engagements avec des maisons d'édition, des organisateurs de concerts et de galas, je ne citerais pour l'exemple que le dernier contrat que j'avais signé avec TF1 à Marrakech pour une émission télévisée de fin d'année.
Figurez-vous, la justice française m'a collé même une accusation fictive: trouble à l'ordre public.
LE QUOTIDIEN D'ORAN: Une fois la tempête passée, Cheb Mami compte-t-il remonter sur scène ?
MAMI: Oui, je compte le faire inchallah. Mais pour être franc, je n'ai pas du tout le moral maintenant, je suis déprimé. Ils m'ont brisé. Sur scène, le chanteur joue, amuse, vit et fait vivre, plus qu'il ne chante.
Par Houari Saaïdia
Sources: Le Quotidien d'Oran, Corbis